La réduction d’amortissement économique facilitée pour les petites entreprises

Publié le 04/02/2021

Amortissments

 

L'Autorité des normes comptables (ANC) est d'avis que les entreprises peuvent, sous condition et de façon exceptionnelle, réduire voire arrêter l'amortissement comptable de certaines immobilisations amorties à l'origine selon le mode linéaire. Cette tolérance est simplifiée pour les petites entreprises.

"Les matelas d’un hôtel qui ne sont pas utilisés s’usent moins vite [du fait de la crise]. Donc leur dotation aux amortissements peut être reportée sur une période ultérieure. En revanche, le bâtiment de l’hôtel, qui s’use au fur et à mesure du temps, n’est pas visé par cette mesure". C’est ainsi qu’Anne-Lyse Blandin, présidente de la commission des normes comptables privées de l’ANC, a illustré hier, lors d’une conférence de l’Ima (institute of management accountants), l’impact potentiel d’une nouvelle recommandation du normalisateur comptable français dans le contexte de la crise actuelle.

 

En principe, pas de réduction d'amortissement en mode linéaire

De quoi s’agit-il ? "Seules les entités ayant choisi le mode d’amortissement selon les unités d’oeuvre ne constatent pas d’amortissement pendant la non-utilisation de l’immobilisation en question ou un amortissement moindre pendant son utilisation réduite. En principe, lorsqu’une immobilisation est amortie suivant une unité de temps, il n’y a pas lieu d’interrompre son amortissement", rappelle l’ANC dans le cadre des comptes établis en normes françaises.

Mais une tolérance comptable est accordée pour les comptes établis à compter du 1er janvier 2020. Il est possible, dans des circonstances exceptionnelles, de réduire voire d’arrêter l’amortissement à l'origine linéaire. L’ANC considère que l’arrêt de l’utilisation ou l’utilisation réduite de l’immobilisation concernée pendant les périodes de fermetures de site ou de réduction significative d’activité intervenues du fait de l’évènement Covid-19 peut constituer une circonstance exceptionnelle.

Pour bénéficier de cette souplesse, deux conditions sont à remplir. La première est que le mode d’amortissement linéaire prévu à l’origine corresponde à une approche simplifiée d’un niveau d’utilisation stable dans le temps sur la base d'une unité d’oeuvre pertinente sous-jacente. "Si par exemple on a comme unité d’œuvre le nombre de boulons produits dans une usine de boulons, il faut démontrer que dans les années antérieures il y avait une relative stabilité du nombre de boulons produits pour se dire que l’amortissement linéaire reflétait cette unité d’œuvre sur le plan d’amortissement des immobilisations", a illustré Anne-Lyse Blandin.

 

Simplification pour les petites entreprises…

Cette première condition est présumée remplie pour les petites entreprises. Elles ont la possibilité de considérer que les périodes d’interruption ou de réduction d’activité sont représentatives d’une moindre consommation des avantages économiques de l’immobilisation concernée et, par conséquent, de reporter à la fin du plan d’amortissement initial les dotations aux amortissements ainsi différées. Il s’agit des entreprises définies à l’article L 123-16 du code de commerce, c’est-à-dire, selon nous, qui ne dépassent pas deux des trois seuils suivants : 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, 6 millions d’euros de bilan et 50 salariés (cf article D 123-200 du code de commerce).

 

… si l’immobilisation est éligible

"Attention : cette simplification [pour les petites entreprises] ne peut viser, et c’est comme ça qu’il faut lire la recommandation de l’ANC, que les immobilisations dont l’usure dépend du niveau d’activité", prévient Anne-Lyse Blandin. En effet, c’est la deuxième condition à remplir, et ce quelle que soit l’entreprise, il faut que l’usure du bien dépende du niveau d’activité.

"Cette adaptation du plan d’amortissement concerne principalement les immobilisations corporelles car le mode d’amortissement par référence à une unité d’oeuvre ne traduit que, dans des situations très spécifiques, le rythme de consommation des avantages économiques des immobilisations incorporelles, résume l’ANC. À titre d’illustration, cette disposition peut s’appliquer à des installations techniques pour lesquelles la consommation des avantages économiques est fonction de leur utilisation effective. Dans ce cas, l’unité d’oeuvre peut, par exemple, être l’unité produite ou le temps effectif d’utilisation. En revanche, cette disposition ne doit pas trouver à s’appliquer à la structure d’un bâtiment et à certains de ses composants (toiture par exemple) qui subissent une usure physique par le passage du temps et cela quel que soit l’usage qu’il en est fait", développe le normalisateur comptable français.

 

Un intérêt limité en pratique

L’intérêt de ce dispositif est toutefois limité en pratique. En effet, "l’administration fiscale n’accepte l’amortissement sur les unités d’œuvre que de manière totalement exceptionnelle. En fait, elle demande dans ces cas-là que la consommation des avantages économiques mesurée en unités d’œuvre soit connue de manière fiable dès l’origine et ne varie pas de manière aléatoire, a affirmé Marie-Amélie Deysine, associée EY société d’avocats, lors de cette même conférence. Ce qui veut dire que concrètement sur un plan fiscal dans ces cas-là, il faut se recaler sur un amortissement linéaire et il faut passer éventuellement un amortissement dérogatoire pour compléter l’amortissement pour l’unité d’œuvre qui n’aurait pas été comptabilisé voire réintégrer si on a un amortissement excédentaire", a-t-elle développé.

 

Bref, "cette mesure va améliorer les capitaux propres [effet de l'intégration des amortissements dérogatoires] et le résultat d’exploitation [effet de la présentation de la dotation aux amortissements dérogatoires en charges exceptionnelles] mais n’a aucun impact sur le résultat net"